Investis dans le domaine de la formation et de l’apprentissage depuis plusieurs années, les partenaires du projet FormBridge ont développé et testé des méthodes opérantes de pédagogie de chantier / pédagogie de projet en direction des formateurs, décideurs, structures et organismes afin de mettre en œuvre des dispositifs en faveur de jeunes adultes en situation de décrochage scolaire, de vulnérabilité sur le marché du travail et d’exclusion économique et sociale. La particularité de l’approche méthodologique de la pédagogie de chantier réside dans l’alternance entre apprentissage théorique et formation par la mise en situation réelle de travail sur le chantier.

Afin de refléter la nature transdisciplinaire et transectorielle du projet, il est nécessaire de pouvoir assurer une forte mobilisation sur les territoires impliqués dans le projet. La première étape consiste donc pour les partenaires à créer des partenariats locaux de qualité rassemblant des représentants du territoire, des entreprises, des associations , des réseaux d’éducation populaire, etc. autour d’un projet local de valorisation du patrimoine. Ces acteurs membres d’une « alliance éducative réinventée » contribueront à la création du projet local et seront associés à la construction du socle commun de compétences, qui, une fois définit, permettra ensuite de co-construire des parcours de formation adaptés à l’évolution du marché du travail et aux besoins des entreprises et des territoires, à travers l’approche méthodologique de la pédagogie de chantier qui représente une opportunité permettant de lier apprentissage, citoyenneté et développement des territoires.

La taille « idéale » de ces alliances éducatives est de 5 à 8 membres, en fonction des particularités de chacun des territoires du projet FormBridge. Les membres des alliances participeront par la suite à l’ensemble des étapes du programme, de la construction d’un projet local jusqu’à sa mise en œuvre et sa valorisation. Ils seront donc partie prenante dans la construction des référentiels de formation et d’évaluation, décideront de la composition du jury pour la validation des compétences. Ils affineront les secteurs « accrocheurs » du territoire en lien avec la valorisation du patrimoine culturel du territoire autour desquels les parcours de formation en direction des jeunes seront construits, quelles compétences techniques, disciplinaires et transversales seront travaillées.

Afin de garantir une approche méthodologique commune et le partage des notions clés autour de la méthodologie Pédagogie de Chantier, les partenaires du projet organiseront d’ici le 30 juin 2 sessions de formation accélérées « Crash courses » à destination des membres des groupes de travail Think Tank.

Une proposition de contenu commun à l’ensemble des territoires est présentée ci-dessous. Le contenu de ces sessions de travail pourra être adapté aux caractéristiques des territoires et l’expérience/expertise des acteurs impliqués dans le projet, à leur compétence propre, à leur disponibilité et au contexte sanitaire actuel pour des échanges à distance notamment.

Création et composition du Think-Tank autour d’Alpes de Lumière

L’objectif du Think Tank était de permettre à des acteurs de la formation, de l’insertion professionnelle et des acteurs économiques et politiques locaux de se rencontrer et de mettre au point conjointement un programme de formation expérimental répondant à leurs besoins respectifs.

Le contexte de création du Think Tank a été marqué par l’incertitude liée au second tour des élections municipales en France, avec notamment l’impossibilité de discuter avec les élus en charge des questions d’emploi, d’aménagement et de travaux, dans la mesure où, à la date de la réunion du Think Tank, l’équipe municipale en place dans la commune où la formation est projetée ne se représentait pas pour un nouveau mandat. Néanmoins, ce contexte particulier ne nous a pas empêché de rassembler des acteurs très motivés pour travailler ensemble :

  1. Le Gabion, centre de formation, situé entre Mane (Alpes de Haute Provence) et Embrun (Hautes Alpes), qui cherche à valoriser le travail manuel dans les métiers du bâtiment grâce à son expertise en écoconstruction et en réhabilitation du bâti ancien. Il s’appuie sur ces techniques qui permettent la créativité et l’épanouissement des personnes, qui les mettent en œuvre. Sensible au développement durable, le Gabion est attentif au social, à l’économie locale et à l’environnement, dans les différentes activités qu’il met en œuvre.

  1. Mission locale des Alpes de Haute Provence, située à Manosque (Alpes de Haute Provence).
  1. Coopérative d’initiative jeunes, qui est sur le point d’ouvrir une antenne à Forcalquier et qui initie ses bénéficiaires au fonctionnement démocratique d’une entreprise, à l’organisation collective du travail, à la gestion coopérative en leur permettant de se familiariser aux réalités économiques qu’ils abordent souvent avec difficulté.

  2. Petra Patrimonia, coopérative d’activité et d’emploi qui permet à ses porteurs de projets de tester et de développer leurs activités différemment, dans un cadre sécurisé adapté au démarrage (le contrat CAPE). Ces derniers peuvent ainsi proposer et facturer des produits et prestations en bénéficiant : d’assurances spécifiques, d’un accompagnement (comptable, administratif, juridique, …), et du réseau de la coopérative. De nombreux maçons et spécialistes de la construction en pierre sèche sont hébergés par la coopérative, située en Provence, avec une antenne à Forcalquier.

Présentation de l’alliance éducative :

Les partenaires ont été réunis dans les locaux d’Alpes de Lumière afin de déterminer les contours que pourrait prendre l’alliance éducative locale. Après une présentation des enjeux du projet FormBridge, de ses objectifs généraux, notamment liés au phénomène du décrochage scolaire et à la démarche de la pédagogie de chantier (PDC), les partenaires ont exprimé, tour à tour, leurs besoins et leurs problématiques.

S’appuyer sur le travail préalable du Gabion

Le centre de formation Le Gabion a d’emblée exprimé la proximité qui pouvait exister entre la démarche du projet FormBridge et celle dans laquelle le centre est engagé à travers un projet du Fonds Social Européen (en 2020-2021) intitulé « Passeport Emploi-Compétences ». A travers un partenariat avec la Mission locale, et d’autres acteurs de l’insertion par l’emploi comme Pole Emploi et Cap Emploi, ce projet consiste en effet à permettre la construction de projets professionnels pour les 18-24 ans, via la mise en place de référentiels de compétences (transversales et techniques). Le Gabion s’est donc d’ores et déjà lancé dans la synthèse d’un référentiel de compétences à partir des listes de compétences généralement évaluées par les trois acteurs de l’insertion sus-cités. Ce socle est en cours de validation par ces trois acteurs. Néanmoins, ce référentiel, le « Passeport Emploi-Compétences », n’est utilisable qu’à une échelle très locale (le Gabion l’expérimente sur la commune d’Embrun) et il serait très intéressant pour le Gabion de contribuer à une expérimentation plus large, d’où un fort intérêt pour le projet FormBridge.

L’utilisation de certaines bases de compétences utilisées dans le cadre du Passeport Emploi-Compétences pourrait représenter pour notre alliance éducative un gain de temps en même temps qu’une inspiration. La méthode d’évaluation, par exemple, consiste à mêler et confronter évaluation (à travers un entretien régulier) et auto-évaluation (pendant une semaine) afin de déterminer la perception que les bénéficiaires de la formation ont d’eux-mêmes et de leurs compétences, et de comparer cette perception à celle des professionnels : il s’agit d’intégrer à l’approche pédagogique du chantier une pédagogie de l’image de soi en co-certification. Par ailleurs, l’intérêt d’une telle méthode pour la construction d’un projet professionnel réside dans la possibilité, une fois les compétences évaluées, de cibler les lacunes, tout en tentant de lever les contraintes liées à la situation des personnes (mobilité, garde d’enfants, etc.).

Délimiter les publics de l’expérimentation

Pour la Mission locale des Alpes de Haute Provence, la problématique première a consisté à définir les publics concernés, à travers une fourchette d’âge et un protocole d’insertion.

En l’occurrence, nous avons commencé par distinguer quatre fourchettes d’âge :

  • Les 16-24 ans visés par le projet FormBridge,

  • Les 16-29 ans identifiés par la catégorie NEET, jeunes sans formation ni emploi ni travail dont font partie les « invisibles » identifiés comme personnes inscrites mais ne se présentant pas à la mission locale, ou personnes qui ne sont plus inscrites,

  • Les 16-18 ans qui correspondent aux « décrocheurs », à savoir des jeunes en situation de décrochage plutôt que décrochés depuis au moins 6 mois (on en compte environ une centaine au niveau local),

  • Les 18-24 ans concernés par le projet Passeport Emploi-Compétences auquel participe Le Gabion.

A partir de ces différents types de publics, dont plusieurs se recoupent, plusieurs éléments de contexte sont à prendre en compte. Premièrement, dans le cadre du « Plan Pauvreté » lancé par le gouvernement Français, une obligation de formation des mineurs (jusqu’à 18 ans) va entrer en vigueur en septembre 2020. Deuxièmement, parmi les « invisibles » (16-29), on compte de plus en plus de mineurs (16-18).

En fonction de ces éléments, il est apparu que les différents publics visés par l’expérimentation FormBridge (décrocheurs, invisibles…) sur notre territoire gagneraient à partager une même tranche d’âge (16-18 ans). Viser prioritairement les mineurs en difficulté, en les remobilisant, en les aidant à nourrir leur estime de soi, correspondrait d’autant mieux à l’objectif premier du projet FormBridge de réduire le phénomène du décrochage scolaire. L’objectif du chantier serait alors de constituer un sas de remobilisation pour les décrocheurs, une première étape en direction de la formation qualifiante.

Cette délimitation d’un public prioritairement mineur implique deux conséquences.

Premièrement, la mise en place d’un référentiel d’évaluation des compétences s’inspirant des travaux du Gabion devra prendre en compte la différence de profil entre le public majeur du Passeport Emploi-Compétences et le public mineur visé par notre expérimentation.

Deuxièmement, les membres de l’alliance éducative ont ressenti le besoin d’élargir cette dernière à de nouveaux partenaires, notamment des établissements scolaires. En l’occurrence, il est envisagé de contacter le Lycée des métiers Louis-Martin Bret de Manosque (04) dès le mois d’août afin de l’intégrer à nos discussions.

Elargir le partenariat à d’autres acteurs de l’insertion et de la formation

Outre cette ouverture aux établissements du secondaire, la coopération entre les acteurs de l’insertion que sont la Mission locale du 04 et la Coopérative Initiative Jeunes pourrait encore gagner à inclure de nouveaux acteurs, cette fois-ci spécialisés dans l’insertion professionnelle. En l’occurrence, la démarche du Gabion, à travers le projet Passeport Emploi-Compétences, a inspiré à l’alliance éducative une démarche de mutualisation des référentiels d’évaluation. Il est prévu, en effet, que les référentiels élaborés au sein du projet FormBridge soient intégrés au système européen de référencement des compétences ECVET. Il serait d’autant plus pertinent de faire en sorte que le référentiel créé et expérimenté dans le cadre de notre alliance éducative locale puisse aussi être intégré aux systèmes nationaux utilisés par Pole Emploi, Cap Emploi et la Mission locale. C’est pourquoi nous nous proposons d’élargir l’alliance éducative à ces nouveaux acteurs (Pole Emploi et Cap Emploi, mais aussi l’inspection du travail) dès le mois d’août 2020.

De cette manière, nous pourrons inscrire l’expérimentation et la formation qui en résultera dans la durée et nous faciliterons son appropriation par les acteurs nationaux de l’insertion professionnelle. C’est aussi pourquoi, outre les établissements d’enseignement supérieur et le Gabion, nous chercherons, là aussi dès le mois d’août, à intégrer d’autres types d’acteurs de la formation en commençant par le CFPPA Carmejane, afin que la formation expérimentée puisse, à terme, être intégrée au curriculum de plusieurs établissements.

Perspectives concernant le chantier :

Enjeux pour le territoire :

En l’absence d’une municipalité installée sur la commune de Forcalquier (et encore, malgré l’accomplissement du scrutin, à l’heure de rédiger ce compte-rendu), il est encore difficile pour l’alliance éducative de se projeter avec assurance sur un chantier particulier. Néanmoins, dans la mesure où la citadelle de Forcalquier a constitué un lieu de travail emblématique pour l’association Alpes de Lumière, et parce que bien d’autres lieux pourraient constituer des sites de chantier passionnants sur cette commune, l’alliance éducative va tenter d’inclure la commune de Forcalquier dans le courant de l’été 2020. Cela serait d’autant plus pertinent que la commune de Forcalquier regroupe un certain nombre d’entreprises (dont la coopérative Petra Patrimonia) qui pourraient bénéficier d’un partenariat avec les structures d’insertion et de formation locales. En cas de refus, d’autres communes alentour, avec lesquelles l’association Alpes de Lumière a déjà travaillé, pourront constituer des terrains d’expérimentation tout aussi fructueux.

La discussion autour du type de chantier n’a pas permis d’arrêter encore ce qu’il serait le plus pertinent de faire. Un chantier de calade pourrait, par exemple, constituer la solution la moins risquée (les jeunes risquent moins de tomber) en même temps que la moins attractive pour les jeunes (travailler par terre est connoté). Un chantier de réalisation d’une fresque, au niveau du « Village vert » de Forcalquier, est aussi évoqué, comme pouvant être plus attrayant pour les jeunes, qui travailleraient au cœur d’un quartier vivant, sous l’œil des habitants, et pourraient ainsi s’approprier l’espace public. Enfin, la réfection d’un mur de pierre sèche pourrait constituer la solution la plus simple en termes de mise en œuvre.

Mise en œuvre du chantier :

Le projet FormBridge prévoit la mise en place d’un chantier expérimental de 60 heures minimum afin de permettre l’évaluation des bénéficiaires. Ce temps de chantier minimum correspond à peu près aux deux semaines de travail que les jeunes envoyés par la Mission locale pourront exécuter. L’alliance éducative s’interroge, cependant, sur la possibilité de terminer un chantier en si peu de temps. Deux possibilités sont évoquées. La première consisterait à dépasser exceptionnellement le temps de travail normal des jeunes. La seconde consisterait à mobilier une entreprise locale pour terminer le chantier ou pour aider les jeunes à le terminer dans le cadre des deux semaines prévues, ce qui permettrait en même temps de faire rencontrer aux jeunes bénéficiaires des professionnels en action.

Pour ce qui concerne le statut des jeunes sur le chantier, il est évoqué la possibilité de mettre en place une convention tripartite sur le modèle PMSMP : période de mise en situation en milieu professionnel (sans rémunération). Il est convenu qu’Alpes de Lumière s’assurera du bon fonctionnement du chantier.

Pérennisation et dissémination

La question de la pérennisation du dispositif, déjà évoquée plus haut à travers la mutualisation des référentiels de compétences et la diversification des structures de formation susceptibles d’intégrer la PDC à leur curriculum, implique une question supplémentaire, qui est celle de la formation des formateurs. L’alliance éducative émet une

remarque en ce sens : il est vital que cette formation n’exige pas des formateurs une trop importante connaissance des méthodes de la pédagogie active, sans quoi il sera difficile de répliquer l’expérience et donc d’intégrer la formation dans divers établissements.

Concernant la dissémination, il est prévu un temps de chantier ouvert, co-organisé avec les jeunes, notamment à travers l’utilisation d’outils numériques. Durant ce temps, les jeunes pourront présenter leur travail à des patrons, à la presse, à leurs familles, à des représentants de la commune. L’utilisation d’outils numériques (smartphone) pour organiser ce ou ces temps, mais aussi pour communiquer sur l’avancée et la méthode du chantier seront non seulement utiles en termes de dissémination, mais aussi parce que cela permettra d’intégrer à la formation l’évaluation des compétences numériques des jeunes. En effet, dans un contexte où le travail sur chantier va intégrer de plus en plus les outils numériques (via le BIM, ou « maquette numérique »), il sera important de prendre en compte les compétences relatives aux outils numériques.

Agenda de l’alliance éducative

  • Avril-Mai 2020: Prise de contact avec les différents acteurs potentiels du territoire en vue de constituer le groupe d’acteurs porteur de l’alliance éducative
  • 23 juin 2020 : Réunion du Think tank afin de définir les contours de l’alliance éducative
  • Juillet 2020 : Echanges entre les partenaires autour d’un référentiel de compétences transversales qui serviront à nourrir le travail d’UNIBO
  • Août 2020 : Discussions avec la commune de Forcalquier afin de s’assurer de sa coopération dans la mise en œuvre d’un chantier expérimental autour de la PDC. Dans le cas où cela ne serait pas possible : discussions avec une commune voisine, déjà identifiée.
  • Septembre 2020 : Choix du chantier (pierre sèche, calade ou fresque) en fonction de la commune partenaire et détermination des futurs formateurs. Prise de contact avec des acteurs supplémentaires de l’alliance éducative (Lycée Louis-Martin Bret, CFPPA Carmejane, Pole Emploi, Cap Emploi), nouvelle réunion du Think Tank
  • Fin 2020 : Recrutement des futurs bénéficiaires de la formation en PDC
  • Janvier 2021 : Participation des formateurs à la session de formation des formateurs à Bologne
  • Février-Mars 2021 : Mise en œuvre de la session de formation
  • Mai 2021 : Evaluation des projets développés au sein de l’alliance éducative